Texte de la prédication de Simon Keglo du 17 janvier 2010.
Depuis le 12 janvier, le monde entier est ébranlé par les nouvelles dramatiques en provenance d’Haïti. Le terrible tremblement de terre dont nous mesurons maintenant les effets dévastateurs, vient de ravager la capitale du pays, Port-au-Prince, et ses environs. Cette énième catastrophe qui frappe le peuple haïtien plonge le monde entier dans la consternation et le peuple haïtien dans d’horribles angoisses et souffrances.
S’il n’y a pas de mot assez fort pour qualifier ce drame, les questions sans réponses envahissent pourtant nos pensées. Nous aimerions savoir, savoir ce qui a fait que l’impensable, l’inimaginable est devenu réalité, savoir pourquoi ce mal s’est produit.
Mais si par quelques moyens, nous arrivons à savoir, à expliquer l’inexplicable, alors cela signifiera que nous le justifions ; et si nous le justifions, alors nous sommes forcés de nous soumettre à son implacable loi, la loi du mal, surtout quand il s’agit du mal subi, que cela vienne des hommes ou de la nature. Ce que je refuse, pour ma part.
Comme l’a enseigné Henri Blocher à des générations d’étudiants, « le mal est l’injustifiable réalité, à quoi l’homme dit ‘’non’’ par le meilleur de lui-même. » Sous sa forme commis ou sous sa forme subie, c’est-à-dire, ce qui fait mal, ce qui fait souffrir, le mal « est mauvais totalement, radicalement, absolument » quelles que soient les raisons apparentes qui pourraient sembler justifier son surgissement dans l’existence.
Que faire ? Il nous faut dire ‘’non’’ au mal en adoptant deux attitudes qui sont conjointes, l’une appelant l’autre : ne pas perdre la foi et répondre à l’invitation de Dieu qui s’offre à nous comme le Dieu consolateur.
- Ne pas perdre la foi et se révolter
Quoi de plus naturel pour l’homme éprouvé que de douter de la providence divine ? Quoi de plus naturel pour le croyant, dans les moments d’épreuves de dire, ou du moins de penser : « à quoi cela me sert de croire ? »
Le psalmiste Asaph le reconnaît et le confesse. Il est perplexe devant la prospérité, l’orgueil et la présomption des impies ; il ne comprend pas comment ils semblent être à l’abri des malheurs alors que lui qui a mis sa foi en Dieu et le sert fidèlement, observant tous ses commandements, est frappé par les misères du monde. Il s’est laissé aller au doute. « Quant à moi, écrit-il au Ps.73, pour un peu mes pieds allaient fléchir, il s’en est fallu d’un rien que mes pas ne glissent » (v.2).
Puis, il fait ce constat qui sied à celui qui n’en peut plus, qui baisse les bras et glisse dans le doute : « C’est donc en vain que j’ai purifié mon cœur, et que j’ai lavé mes mains dans l’innocence : tout le jour je suis frappé, tous les matins mon châtiment (est là) » (vv.13-14). Il est dans une confusion totale, l’esprit voilé par une agitation intérieure.
Mais il va en sortir grâce à la contraction à laquelle son raisonnement le conduit au verset 15 : « Si je disais : Je veux m’exprimer comme (eux), (c’est-à-dire si je formulais à voix haute ce que je pensais tout bas aux versets 13 et 14), Voici que je trahirais la race de tes enfants. »
Ici, le psalmiste comprend une chose qu’un commentateur a bien fait ressortir : « Au-delà de ses conflits intérieurs, subsistait en lui cette idée que s’il formulait à haute voix ses sentiments profonds, ce serait au détriment de la communion qu’il entretenait avec les croyants qui vivaient autour de lui. »
Ceci signifie également qu’il est convaincu du soutien que représente pour lui la communauté des croyants, et qu’il n’a pas le droit de se priver de ce soutien. Il sait au fond de lui que, quand bien même Dieu n’éloignerait pas de lui la souffrance, celle-ci est supportable si elle est vécue en communion avec le peuple de Dieu.
L’apôtre Paul confirme cette vérité quand il écrit aux Corinthiens : « Si une partie du corps souffre, toutes les autres parties souffrent avec elle » (1Co.12.26a).
Fort donc de cette vérité, Asaph fait volte-face et revient à la raison parce que l’Esprit de Dieu n’abandonne jamais le croyant qui « marche dans l’ombre de la vallée de la mort » ; il finit par le conduire où il doit être pour comprendre les événements, c’est-à-dire « dans les sanctuaires de Dieu ».
Voilà la porte de sortie du psalmiste : l’entrée dans les sanctuaires de Dieu. C’est là où le nuage de doutes qui plane dans son esprit est balayé car, c’est l’endroit privilégié où Dieu et son enfant peuvent entrer en communion.
Les sanctuaires de Dieu pour nous, c’est la prière ; c’est l’adoration ; c’est la louange qui consiste tout simplement à reconnaître que Dieu est plus grand que toutes nos situations, et que dans toutes nos situations, nous devons garder la foi.
Les sanctuaires de Dieu, c’est le silence, le silence de Job par exemple. C’est le sanctuaire que je préfère personnellement. Le silence doit précéder la prière, l’adoration et la louange ; je dirai même que le silence dans les épreuves est prière, adoration et louange.
Job dans ses épreuves a rouspété ; il a énergiquement protesté contre ce qui est arrivé et qu’il trouve profondément injuste.
Il rejette les explications erronées de ses amis ; il pose un tas de questions à Dieu et le met même presque au défi de démontrer qu’il a fait quoi que ce soit d’injuste pour mériter les peines qui lui sont infligées.
Durant tout ce temps, ses peines n’ont fait qu’augmenter, jusqu’à ce qu’il se retrouve face à Dieu, celui qui seul détient les réponses, toutes les réponses mais ne les donne pas forcément.
En fait, lorsqu’il se trouve confronté au Seigneur de l’univers, son créateur, il met sa main sur la bouche et ne dit rien.
Job fait silence, silence-sanctuaire, silence-retour-en-soi, pour recevoir de la lumière divine qui lève les voiles et permet de cerner les événements autrement qu’avec la raison humaine. Dieu ne lui dira pas « le parce que du pourquoi » et pourtant, Job sera satisfait.
Ce silence ne vise pas à minimiser l’intensité de l’épreuve ni la portée des pertes subies ; il souligne l’importance de faire confiance aux objectifs poursuivis par Dieu au milieu de la détresse.
- Répondre à l’invitation de Dieu qui s’offre à nous comme le Dieu consolateur
La deuxième attitude qui est conjointe à celle que je viens de vous exposer, nous est recommandée par notre Seigneur Jésus-Christ lui-même en Mt.11.28 :
« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. »
Si cette invitation s’adresse avant tout à des personnes accablées par le poids de leur propre échec spirituel, fatiguées de toutes leurs vaines tentatives de se sauver elles-mêmes par le respect scrupuleux de la loi de Dieu, rien ne nous empêche de l’appliquer aux réalités humaines de notre vie. Nous en retrouvons une illustration chez le patriarche Job.
La grande question qui se pose avec ce patriarche, c’est celle de savoir ce qui le pousse à rester avec Dieu, à servir Dieu ?
Il y a un débat qui oppose Dieu à Satan dans le ciel, et Job en est la victime. Tous ses malheurs sont les conséquences de ce débat, mais lui ne le sait pas. Il est éprouvé au-delà de ce qu’un homme peut supporter.
Quand son épouse lui conseille de tourner le dos à Dieu pour être tranquille, pensait-elle, Job lui répond : « Tu parles comme une femme insensée ! Quoi ! Nous recevrions de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal ! »
Et le chapitre 2 de son livre, au verset 10 conclut : « En tout cela, Job ne pécha point par ses lèvres. »
Nous retrouvons un attachement pareil chez l’apôtre Pierre. Toute sa vie l’exprime, mais il va avoir l’occasion de le confesser publiquement devant ses condisciples.
En Jn.6.60ss, Jésus fait un discours jugé par son auditoire comme étant trop dur. Et l’auditoire s’en va. Jésus se tourne alors vers les douze et leur dit : « Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en aller ? »
A cette question de Jésus, Pierre se fait porte-parole de ses compagnons et répond : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » Je ne prends que cette première partie de sa réponse.
Pierre confesse donc :
- Que nul autre n’est comparable à Jésus ;
- Il est le seul capable d’éclairer les hommes, que ce soit au sujet de Dieu et des choses divines, ou de la vie des hommes ;
- Il est le seul à pouvoir donner une parole qui fasse jaillir la vie là où la mort sévit.
Que des événements de la vie, quelle que soit leur nature, surgissent et mettent à mal notre foi, voilà un danger que nous devons recommander à notre Seigneur qui nous invite : « Venez à moi, vous qui êtes fatigués et chargés, et moi, je vous donnerai du repos. »
L’apôtre Paul, convaincu de cela écrira : « Aucune épreuve ne vous est survenue qui n’ait été humaine ; Dieu est fidèle et ne permettra pas que vous soyez éprouvés au-delà de vos forces ; mais avec l’épreuve, il donnera aussi le moyen d’en sortir, pour que vous puissiez la supporter » (1Co.10.13).
« Ce « au-delà de vos forces », ce n’est pas nous qui le définissons. C’est Dieu lui-même.
Il y a un proverbe africain qui dit ceci : « Dieu crée le gouffre et le pont pour le traverser ». Nous ne pouvons pas toujours savoir pourquoi il a créé tel ou tel gouffre dans l’histoire des hommes, ni même dans notre propre vie, car il y a parfois un débat dans le ciel qui nous échappe mais dont les effets peuvent être un gouffre à franchir pour nous.
Ce qui compte, c’est de savoir qu’il a prévu un pont pour le traverser. Ce pont, c’est notre foi, notre confiance sans faille en Jésus-Christ. Amen.