Prédication donnée par notre pasteur Simon Kéglo à Massy le 5 octobre 2014
« Fais retomber leurs insultes sur leur tête, et livre-les au pillage sur une terre où ils soient captifs. Ne pardonne pas leur iniquité, et que leur péché ne soit pas effacé de devant toi » (Néhémie 4:4-5). C’est la prière de Néhémie sur laquelle Pierre a attiré notre attention dimanche dernier. Comme il l’a fait remarquer, cette prière nous embarrasse car nous n’en comprenons pas le sens. (Matthieu 6:9-13 ; Luc 11:2-4).
Dans le contexte où elle se trouve, nous voyons, et Pierre l’avait souligné, que Sanballat et Tobija, méprisent Dieu ; ils le tournent en ridicule en se moquant de ceux qui sont à son œuvre ; ils ont ouvertement provoqué la colère de Dieu en le méprisant devant les bâtisseurs. Ceux qui s’opposent à l’œuvre de Dieu ne font en fait que manifester leur opposition à Dieu. Et c’était la conclusion de Pierre.
Quelle que difficile que soit cette prière, comprenons que Néhémie se trouve face à des ennemis ; ce ne sont pas des gens du peuple ; ce sont des ennemis qui ne souhaitent pas que le peuple de Dieu soit relevé et que Jérusalem soit rebâtie. Il s’agit donc d’oppositions venues de l’extérieur. Comment faire face ? Faut-il aller à la rencontre de ces ennemis et dialoguer avec eux au risque de perdre du temps dans le travail entrepris ?
Néhémie a préféré «aller dans le sanctuaire de Dieu» ; il a préféré demander à Dieu d’être leur défenseur. Pour lui, c’est la meilleure manière de régler les difficultés et les oppositions qui viennent de l’extérieur perturber l’œuvre du Seigneur.
Au chapitre 5 du livre, nous nous trouvons devant une nouvelle situation. Pour la énième fois, Néhémie se retrouve face à des difficultés. Mais cette fois-ci, elles viennent de l’intérieur. Comment Néhémie va-t-il les aborder et les traiter ? De la même manière qu’il a traité les oppositions venues de l’extérieur ? Non. Car de l’intérieur, les difficultés ne viennent pas d’ennemis. A l’intérieur du peuple, il n’y a pas d’ennemis ; il n’y a que des frères et sœurs. Nul besoin donc de jeter l’anathème, de maudire. Il s’agit d’une situation dysfonctionnelle entre des frères et sœurs rassemblés pour une même cause : bâtir la maison de Dieu. Il faut donc l’aborder autrement ; et c’est ce que Néhémie a fait.
Les difficultés qui naissent à l’intérieur d’une communauté sont normales ; elles aident à aller plus loin dans le vivre ensemble lorsqu’on les gère avec sagesse et crainte de Dieu. Les problèmes que Néhémie va devoir résoudre maintenant sont d’ordre interne au peuple et ils font appel à sa capacité de gérer les relations humaines. Deux nécessités se présentent à lui dans les 5 premiers versets du chapitre :
• Maintenir le moral du peuple et conforter son harmonie ;
• Et en même temps, aider à relâcher les tensions qui sont inévitables quand on travaille ensemble à un même projet.
Voyons comment Néhémie a réagi et agi.
Des plaintes venues de personnes qui se sentent exploitées
Néhémie 5:1-13
1 A cette époque, des hommes du peuple et leurs femmes se plaignirent vivement de certains de leurs compatriotes juifs.
2 Certains disaient : – Nous avons beaucoup de fils et de filles, nous voudrions recevoir du blé pour manger et survivre.
3 D’autres déclaraient : – Nous sommes obligés de donner nos champs, nos vignes et même nos maisons en gage pour nous procurer du blé lorsqu’il y a une famine.
4 D’autres encore se plaignaient : – Nous devons emprunter de l’argent en hypothéquant nos champs et nos vignes pour payer l’impôt impérial.
5 Et pourtant, nous sommes bien de la même race que nos compatriotes : nos enfants ne sont pas différents des leurs ; et voici que nous en sommes réduits à vendre nos fils et nos filles comme esclaves : certaines de nos filles ont déjà été réduites à l’esclavage et nous sommes impuissants à les défendre, car déjà nos champs et nos vignes appartiennent à d’autres.
Néhémie se trouve dans une situation dangereuse qui peut facilement dégénérer en émeute. Comment ces gens en sont-ils arrivés à un tel degré de pauvreté ? Quelle est la cause de ces réclamations ? Quelle peut bien être l’origine de cette pauvreté ? En examinant le texte de plus près, nous remarquons qu’il est fait mention de trois groupes distincts de plaignants dans ces versets :
Les premiers à faire part de leurs doléances sont les familles nombreuses (v.2). Ils ont dû subvenir à leurs propres besoins pendant la reconstruction de la muraille. A présent, sans aucun revenu, ils ne peuvent plus faire vivre tous ceux qui dépendent d’eux. Toutes leurs ressources sont épuisées. La situation dans laquelle ils se trouvent est triste. Ils ne peuvent s’en sortir, à moins d’obtenir un secours de l’extérieur.
Le second groupe est composé de fermiers (v.3). Leurs biens sont donnés en gage pour pouvoir se nourrir, et maintenant, ils n’ont plus d’outils de travail ni de quoi se nourrir. Dans ces moments de gêne, le fermier, pour subvenir aux besoins de sa famille, a dû emprunter de l’argent sur ses champs et ses récoltes. Si ses récoltes étaient mauvaises, ou si la famine survenait, ou encore si les sauterelles venaient à tout détruire, les usuriers s’emparaient des terres et les membres de sa famille tombaient en servitude (v.5).
Le troisième groupe comprend les personnes ayant des ennuis fiscaux (v.4). Juda, comme toutes les autres provinces de la région, était soumise à des taxes. Mais la situation était telle que la plus petite taxe était devenue un fardeau très lourd. Ces fermiers avaient, de leur propre gré, donné tout ce qu’ils possédaient pour travailler à la reconstruction de la muraille, mais certains riches prêteurs avaient saisi leurs biens hypothéqués et avaient même vendu leurs enfants donnés en gage, comme esclaves. En se comparant à ceux qui les avaient exploités, les plaignants disaient textuellement : « Nous sommes aussi des êtres humain. Nous aimons nos enfants autant qu’eux. Nous sommes prêts à travailler, mais ils nous ont rendu la vie impossible en s’emparant de nos maisons, de nos terres et de nos récoltes. Nous ne sommes plus en mesure de payer tout ce que nous devons et de racheter nos enfants (v.5).
La méthode de Néhémie pour résoudre ces difficultés : la confrontation
La première réaction de Néhémie en apprenant cette situation est la colère. Il se rend compte que ce qui se passe est contraire à l’enseignement des Ecritures. Il engage donc une confrontation avec les riches et les dirigeants du peuple : « Quoi ! Vous prêtez à intérêt à vos frères ? », leur dit-il (v.7). Cependant le peuple ne se plaint pas de cela. Leurs protestations sont d’un autre ordre. Il se plaint d’un manque de nourriture, de la nécessité d’hypothéquer leurs terres, de l’esclavage et des impôts. Mais Néhémie va faire preuve de discernement ; sa réponse va au-delà de la plainte exprimée pour aller droit au cœur du problème. On peut facilement rectifier les circonstances extérieures, mais si on ne prend pas le mal à la racine, le problème réapparaîtra. Après examen de la situation, il conclut que le mal vient de ce que le peuple est exploité.
Mais rien ne prouve que les riches prêteurs et les chefs du peuple vont changer leurs engagements. Le silence est d’ailleurs bien la preuve de leur intransigeance. Ils semblent prêts à se battre pour garder leurs privilèges et leur pouvoir. Il y a longtemps que les chefs religieux du peuple auraient dû se plaindre de leurs conduites déviantes. Mais ces derniers s’étaient rangés de leur côté (Néhémie 6:12,14 ; 13:4,7-9), et personne n’a osé leur dire que leurs usages commerciaux n’étaient pas en accord avec la Parole de Dieu.
Néhémie sait que si le peuple ne vit pas en accord avec les enseignements de la Parole de Dieu, il ne peut recevoir ses bénédictions. Il convoque donc une grande assemblée. En présence de tout le monde, Néhémie met à demeure les riches et les dirigeants. Il leur lance le défi de retourner vers le Seigneur et de gérer leur vie selon les normes de sa Parole et, pour les motiver, il parle de sa propre conduite personnelle et la compare avec celle de ceux qui ont exploité le peuple. Ils ont eu honte lorsque Néhémie déclare qu’il a dû lui-même racheter ceux qu’ils ont vendus « aux nations » (v.8).
Néhémie leur reproche ensuite de n’avoir pas agi dans la « crainte de Dieu » et les invite à se joindre à lui pour prêter de l’argent et du blé sans intérêt à ceux qui sont dans le besoin. Là encore, il montre l’exemple car ce qu’il prescrit est exactement ce que lui et ses serviteurs n’ont cessé de faire (v.10).
Néhémie ne s’arrête pas là. La loi a été violée et ils ne peuvent s’attendre aux bénédictions de Dieu tout en continuant à lui désobéir (Deutéronome 23:20). C’est pourquoi il déclare : « Rendez-leur donc aujourd’hui leur champs, leurs vignes, leurs oliviers et leurs maisons, et le centième de l’argent (c’est-à-dire l’intérêt qu’ils exigent au taux de 1% par mois), du blé, du moût et de l’huile que vous avez exigé d’eux comme intérêt » (v.11).
Les nobles et les dirigeants s’inclinent devant l’exemple que leur donne Néhémie. Ils sont impressionnés par son courage et acceptent de faire ce qu’il leur demande. Ensuite, Néhémie leur fait jurer de tenir parole devant les sacrificateurs.
La réaction du peuple est encourageante. Il sait que Néhémie est de son côté. Il se montre juste et équitable dans cette situation. Mais les riches et les chefs du peuple eux aussi ont eu une réaction positive ; ils ont compris que ce que recherche Néhémie, ce n’est pas de tout simplement les condamner et les rejeter, mais les encourager à corriger un comportement qui ne glorifie pas Dieu, et de rejoindre sincèrement le peuple pour le travail commun.
Voilà comment Néhémie règle les difficultés internes au peuple, différemment de la méthode employée face aux ennemis du dehors ; voilà comment il nous enseigne, par sa sagesse et son amour pour le peuple, à faire face aux difficultés qui peuvent apparaître dans l’Eglise : tout faire pour maintenir le moral de tous, et préserver l’harmonie de la communauté, car dans une Eglise, il n’y a pas d’ennemis ; il n’y a que des frères et sœurs qui peuvent, malheureusement dysfonctionner dans leurs efforts de vivre ensemble.
L’attitude de Néhémie face aux difficultés nous encourage également à avoir du courage pour rechercher la confrontation, chaque fois que cela est nécessaire, dans les différentes situations que nous pouvons rencontrer dans nos Eglises, que ce soit communautairement ou individuellement.
Il est tout à fait normal que dans une Eglise, il y ait des incompréhensions, des mécontentements. Ce n’est pas non plus un péché qu’un frère, une sœur, incompris ou mécontent, répande son amertume auprès d’un autre. C’est humain.
Par contre ce qui n’est pas normal et qui est même un péché, c’est ce que nous faisons de l’amertume qui nous a été racontée. Si, sans avoir pris la peine de chercher à savoir si la chose est vraie (« Quoi ! Vous prêtez à intérêt à vos frères ? », Néhémie 5:7), nous prenons parti ou nous développons tel ou tel état d’âme, nous offensons Dieu et nous ne sommes pas artisans de paix pour la maison de Dieu. N’oublions pas que dans une Eglise, il n’y a pas d’ennemis ; il n’y a que des frères et sœurs qui s’efforcent de vivre ensemble pour la gloire de Dieu, mais qui peuvent dysfonctionner par moment. Soyons prêts à tout faire, portés par la grâce divine, pour préserver l’harmonie et le bien-être de la communauté.
Un esprit de droiture et d’honnêteté pour réussir une mission (Néhémie 5:14-19)
Néhémie était un homme intègre. Dans les premiers versets du chapitre 5, nous avons vu comment il s’était comporté face à l’injustice, lorsque les gouverneurs et les riches de Juda profitaient de la faiblesse du peuple pour l’exploiter. Il avait réussi à leur faire changer d’attitude parce que sa vie correspondait à son discours. Pour résoudre d’une manière satisfaisante les problèmes qu’il rencontrait, nous avons vu qu’il n’hésitait pas à mettre en avant sa propre conduite, tant il était irréprochable. Qu’est-ce qui lui inspirait cette intégrité ?
Au verset 15 nous lisons : « Je n’ai point agi de la sorte, par crainte de Dieu » (cette crainte mêlée de respect). La « crainte du Seigneur » est décrite comme étant le commencement de la sagesse : « La crainte de l’Eternel est le commencement de la sagesse ; tous ceux qui l’observent ont une raison saine. » (Psaume 111:10) ; « La crainte de l’Eternel est le commencement de la science ; les insensés méprisent la sagesse et l’instruction. » (Proverbes 1:7).
Deux idées opposées se dégagent lorsque celui qui craint Dieu se tient dans sa présence : l’indignité et l’attraction. Chaque fois qu’il entre dans la présence de Dieu, il éprouve un sentiment d’indignité. Ce fut d’ailleurs l’expérience d’Esaïe : « 1 L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône très élevé, et les pans de sa robe remplissaient le temple. 2 Des séraphins se tenaient au-dessus de lui ; ils avaient chacun six ailes ; deux dont ils se couvraient la face, deux dont ils se couvraient les pieds, et deux dont ils se servaient pour voler. 3 Ils criaient l’un à l’autre, et disaient: Saint, saint, saint est l’Eternel des armées ! toute la terre est pleine de sa gloire ! 4 Les portes furent ébranlées dans leurs fondements par la voix qui retentissait, et la maison se remplit de fumée. 5 Alors je dis : Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j’habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, l’Eternel des armées. » (Esaie 6:1-5).
L’apôtre Pierre, lui aussi, a éprouvé ce même sentiment en reconnaissant tout d’un coup, après l’épisode de la pêche miraculeuse, qui était Jésus : « Quand il vit cela, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus, et dit: Seigneur, retire-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur. Car l’épouvante l’avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui. » (Luc 5:8-9). Ces hommes illustrent l’idée d’indignité : ils veulent fuir la présence de Dieu ; ils se rendent compte que Dieu est saint et en même temps qu’ils sont pécheurs. C’est pourquoi ils sont accablés par cette crainte de Dieu.
Mais dans cette « crainte du Seigneur » se trouve également un élément d’attraction. Dieu est le tout-puissant qui pourvoit aux besoins du croyant et qui lui vient en aide. Son amour est tel que le croyant est instinctivement attiré à lui. Il comprend alors qu’il est l’objet de sa grâce et s’approche de lui avec assurance comme il est écrit dans l’épître aux Hébreux: « Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être secourus dans nos besoins. »(Hébreux 4:16). La conscience que le croyant a de la présence de Dieu l’incite à confesser son indignité, comme en Esaïe 6:5-7, et à se soumettre à sa volonté. Et c’est ce qui s’est passé également pour Esaïe lorsqu’il déclare : « Me voici, envoie-moi » (Esaïe 6:8).
Les gens du temps de Néhémie pouvaient exploiter leurs propres frères, parce qu’ils ne vivaient pas dans la crainte du Seigneur. Mais Néhémie dit : « Je n’ai pas agi de la sorte, par crainte de Dieu. » C’est la « crainte de l’Eternel » qui a gardé Joseph de l’adultère qu’il aurait pu commettre avec la femme de Potiphar (Genèse 39:9) ; c’est la « crainte de l’Eternel » qui a poussé Moïse à renoncer aux plaisirs de l’Egypte pour accepter les difficultés du désert (Hébreux 11:27) ; c’est la « crainte de l’Eternel » qui a suscité chez l’apôtre Paul sa vocation (2 Corinthiens 5:11). Ce même sentiment a permis à Néhémie de se dresser contre le courant de son époque et d’accomplir un travail à la gloire du Seigneur. La « crainte de l’Eternel » l’a équipé d’un esprit intègre qui l’a immunisé contre le système de valeur de son temps.
La « crainte de l’Eternel » a influé également sur le comportement de Néhémie envers les gens. Il fait preuve envers eux d’une véritable sollicitude. A Babylone il avait racheté des Juifs esclaves et leur avait rendu la liberté. A présent, à Jérusalem, il manifeste cette même sollicitude en s’attaquant à ceux qui les exploitent. C’est à cause de son esprit intègre que les grands et les magistrats n’ont trouvé rien à dire en réponse aux réprimandes que Néhémie leur a adressées (5:8).
La réalité du sentiment de crainte qu’éprouve Néhémie vis-à-vis de l’Eternel se manifeste aussi chez lui d’une autre manière, à savoir dans ses priorités. Il n’a pas cherché à s’enrichir comme l’ont fait les gouverneurs : « ni moi ni mes frères n’avons vécu des revenus du gouverneur. Avant moi, les premiers gouverneurs accablaient le peuple et recevaient de lui du pain (c’est-à-dire de la nourriture) et du vin, outre quarante sicles d’argent… nous n’avons acheté aucun champ, et mes serviteurs tous ensemble étaient à l’ouvrage. J’avais à ma table cent cinquante hommes, Juifs et magistrats, outre ceux qui venaient à nous des nations d’alentour (en visites officielles) » (Néhémie 5:14-17).
Néhémie puisait dans ses ressources pour subvenir aux besoins de son personnel et pour recevoir des invités, parce que Dieu lui a permis de s’enrichir dans le pays de Babylone. Le travail du Seigneur comptait plus à ses yeux que les biens matériels.
Néhémie a compris l’exhortation suivante de l’Ecriture : « On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien ; et ce que l’Eternel demande de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu. » (Michée 6:8). Si nous aussi, nous comprenons cette exhortation et que nous l’a mettons en pratique comme Néhémie, nous réussirons à bâtir l’Eglise de Jésus-Christ et les portent du séjour des mort ne prévaudront pas contre elle. Amen