Texte de la prédication de Colette Jeuch du 28 juin 2009.
Aujourd’hui c’est le 28 juin. Ça sent l’été. L’école est finie, les examens sont passés ou presque. Les écoliers, les étudiants attendent les vacances ; les actifs attendent leurs congés payés bien mérités. Peut-être que pour beaucoup d’entre nous cette année, fond de crise oblige, les vacances seront économiques et sages, mais on les attend tout de même car elles restent synonymes de repos, de détente.
Le repos peut prendre différentes formes selon les personnes. Pour les unes c’est la chaise longue, pour d’autres c’est grimper en haut des sommets, pour d’autres c’est visiter la famille, pour d’autres encore c’est faire des travaux au presbytère ou aux Cèdres !
Chacun est libre de choisir sa forme de vacances, sa manière de se reposer car ce qui importe c’est ce qu’on met sous cette notion de repos.
Je vous invite à voir ensemble ce que la bible dit du repos en nous appuyant sur deux textes : le récit de la création du monde et le Décalogue (plus précisément le 4ème commandement sur le Sabbat).
La Bible s’ouvre sur le récit de la création du monde exaltant l’œuvre de Dieu.
Le premier chapitre de la Genèse n’a aucune prétention scientifique. Il ne nous renseigne pas sur la manière dont Dieu a créé le monde (ça, c’est le travail des scientifiques), mais ce 1er chapitre nous enseigne que Dieu est le créateur de toute chose.
L’auteur de ce chapitre utilise une forme littéraire très élaborée, s’articulant autour des jours de la semaine. C’est une sorte de poème extrêmement bien construit.
Le fait de construire cette présentation de l’œuvre créatrice de Dieu sur le modèle de la semaine montre qu’il y a une analogie voulue entre le travail de l’homme et le « travail » de Dieu.
Lecture de Genèse 1:31 – 2:3
Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le sixième jour.
Ainsi furent achevés les cieux et la terre, et toute leur armée.
Dieu acheva au septième jour son oeuvre, qu’il avait faite: et il se reposa au septième jour de toute son oeuvre, qu’il avait faite.
Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son oeuvre qu’il avait créée en la faisant.
Dieu travaille 6 jours et le 7ème jour, il se « repose » car il a terminé son travail !
Ce 7ème jour est présenté comme l’accomplissement de la création et le but de toute l’œuvre de Dieu. Notons bien que Dieu bénit ce jour et le sanctifie. C’est la seule chose qu’il appelle sainte, qu’il met à part. Notons aussi que ce 7ème jour n’a ni soir ni matin : il s’ouvre sur une durée non limitée.
L’homme créé le 6ème jour est invité à vivre directement dans le 7ème jour. Si l’œuvre de Dieu s’achève par le repos, la vie de l’homme commence par le repos, s’ouvre sur le repos ; l’homme est créé pour vivre, pour s’épanouir, pour s’exprimer, dans ce 7ème jour, temps du «repos» de Dieu. C’est là le plan originel de Dieu pour l’homme : entrer dans son repos! C’est ça le paradis ! Dieu invite l’homme à le rejoindre dans son repos.
D’une manière provocatrice je dirais que l’homme est créé pour se reposer !
Mais attention ! qu’est-ce que ce « repos »?
Le chapitre 2 de Genèse décrit ce repos, ce paradis : (v15) «le Seigneur Dieu prend l’homme et le place dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder» L’homme n’est pas là sans rien faire, à bronzer tout nu au bord de la rivière ! Le repos dans lequel il est appelé à vivre, c’est la gérance de toute la création ; il a à veiller sur tout ce grand et beau jardin, sur tout ce qu’il contient. Mais comme tout fonctionne à merveille, comme tout est en ordre et en paix cela n’est pas laborieux ; au contraire c’est un délice. Car, de plus, Dieu n’est pas exclu de cette gérance qui se vit dans la rencontre, l’échange, la communion.(Dans la brise du soir, Dieu descend, rencontre l’homme, parle avec lui, … )
Le repos, c’est entrer dans le travail que Dieu a déjà accompli – ces bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance – et en prendre la gérance dans un esprit de dépendance, dans l’attente joyeuse de la rencontre, de l’échange, du dialogue avec Dieu !
Mais vous connaissez la suite de l’histoire. Le péché fait son entrée dans le monde et vient casser toute cette belle harmonie.
La prétention à l’autonomie qu’éprouve l’homme – c’est cela le péché – le sépare définitivement de Dieu et le travail-repos pour lequel il avait été créé, qui lui avait été donné comme une activité joyeuse et légère devient un labeur fatiguant, épuisant. C’est maintenant une peine dure à laquelle s’attache la malédiction : le sol est maudit et produit des épines et des ronces et c’est le fameux «tu gagneras ton pain à la sueur de ton front» (Gen 3 :17-19). (NB : Ce n’est pas le travail qui est une malédiction : le travail ou l’activité reste une bénédiction. La malédiction, c’est la souffrance et la peine qui s’y attachent. Idem pour l’accouchement évoqué dans la malédiction pour la femme). L’homme est chassé du jardin de délices. Il sort du repos de Dieu pour entrer dans le tumulte, la violence, la haine, la confusion, la peine.
Beaucoup de siècles passent…. Et Dieu, dans sa grâce, vient au secours de l’humanité. Il se révèle à Abraham, s’attache à sa descendance et offre au peuple qu’il s’est ainsi choisi pour être sa lumière au milieu des autres nations, un nouveau cadre de vie avec les Dix Commandements.
Avec le Décalogue, Dieu replace l’homme dans le cadre pour lequel il a été créé :
-) Louer et adorer le créateur (1ère table de la Loi = la liste des commandements qui concernent la relation de l’homme à Dieu)
-) Aimer et servir les créatures (2ème table de la Loi = la liste des commandements qui concernent les relations entre hommes).
Le 4ème Commandement institue le sabbat : un jour de repos dans la semaine.
Lecture d’Exode 20 : 8 – 11
Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier.
Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage.
Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes.
Car en six jours l’Éternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour: c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du repos et l’a sanctifié.
et de Deutéronome 5 : 12-15
Observe le jour du repos, pour le sanctifier, comme l’Éternel, ton Dieu, te l’a ordonné.
Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage.
Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton boeuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, ni l’étranger qui est dans tes portes, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi.
Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte, et que l’Éternel, ton Dieu, t’en a fait sortir à main forte et à bras étendu: c’est pourquoi l’Éternel, ton Dieu, t’a ordonné d’observer le jour du repos.
Le texte du livre d’Exode s’appuie sur le récit des origines pour légitimer le sabbat.
Le texte du livre de Deutéronome légitime ce jour de repos en mettant en avant le temps d’esclavage en Egypte où le peuple travaillait 7 jours sur 7, sans relâche.
Dans les 2 textes, on voit que le sabbat est un cadeau que Dieu fait à l’homme.
On peut dire que, au commencement, l’homme a été fait pour entrer dans le repos de Dieu, vivre dans le jardin d’Eden et que, ensuite, le sabbat a été fait pour venir au secours de l’homme pécheur. Car, comme le dit Jésus (Marc 2 :27), « le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat ». L’homme a été fait, au commencement, pour vivre éternellement et 7 jours sur 7 dans la communion avec Dieu et dans son repos. Ensuite, à cause du péché, Dieu, dans sa grâce, offre à l’homme pécheur de connaître durant 1/7ème de sa vie sur terre, un petit avant-goût de la vie qu’Il voulait pour l’homme.
Voilà donc le sabbat institué comme le jour de repos dans une semaine de dur travail. Ce sont les vacances de l’époque !
Remarquons que cela a longtemps été le cas avec quelques fêtes religieuses en plus. En France, il faut attendre 1936 et la venue du Front Populaire au Gouvernement pour avoir droit aux congés payés. Aujourd’hui, combien d’hommes, de femmes et d’enfants travaillent encore 6 jours sur 7, dans le monde ? Et combien travaillent 7 jours sur 7 ?
Pourquoi Dieu doit-t-il ordonner aux hommes de s’arrêter de travailler ?
Pourquoi en avoir fait un commandement et pas simplement un conseil ?
Avant de répondre, replaçons ces Dix Commandements dans leur contexte et n’oublions pas l’esprit général dans lequel la Loi est donnée. Lorsque nous lisons ou citons les 10 Commandements, il ne faut jamais oublier le préambule (Ex 20:2; Deut 5:6) : « Je suis l’Eternel ton Dieu qui t’ai fait sortir d’Egypte où tu étais esclave ».
Les 10 Commandements ne sont pas un carcan mais une libération ! Ce n’est pas une liste d’interdictions qui réduisent la vie et rétrécissent son champ d’action, comme la grammaire pourrait le suggérer avec tous les «tu ne feras ceci ou cela… ».
Les 10 Commandements donnent à l’homme le cadre de vie pour lequel il a été créé, au commencement ; et ce cadre donne à l’homme la possibilité de proclamer sa liberté vis-à-vis des pratiques de ce monde, il lui permet de se désolidariser de la morale ambiante, du fonctionnement politique, économique et social ambiant afin, comme le dit Dieu lui-même à son peuple, «afin qu’il soit heureux».
Le but de la Loi c’est d’apporter la libération et le bonheur. Et le sabbat doit se vivre dans cet esprit.
On peut dire que le 4ème commandement, le Sabbat, est donné pour 2 raisons :
-) Combattre l’exploitation de l’homme par l’homme : le sabbat est donné au maître comme au serviteur, au patron comme à l’ouvrier, au riche comme au pauvre, à l’émigré comme à l’habitant du pays, tous ont droit au même repos, même les animaux (v 10).
-) Combattre l’exploitation de l’homme par lui-même. L’homme peut très vite se rendre esclave de son propre travail. Il peut très vite dériver et croire que seuls ses efforts lui permettent de vivre, croire qu’il n’existe que par son travail et ainsi faire du travail son dieu, transgressant ainsi le 1er commandement « Tu n’auras pas d’autre dieu devant ma face ».(Attention, cela pend au nez de beaucoup de cadres, artisans, professions libérales, …et de beaucoup d’autres)
En s’arrêtant de travailler 1 jour dans la semaine, l’homme
- pose dans ce monde, un acte de protestation contre la sur-occupation et l’idolâtrie du travail et cela vis-à-vis de tous ceux qui l’entourent et de ses collègues.
- proclame sa liberté face au travail et face au temps qui est de l’argent. Il devient maître et non plus esclave du temps. En prenant le temps de s’arrêter pour se reposer et pour écouter Dieu, l’homme proclame ainsi qu’il a largement le temps de faire son travail.
- démontre sa dépendance à l’égard de Dieu, il démontre sa confiance en Dieu qui pourvoit à ses besoins.
Il faut beaucoup de courage et de foi pour oser proclamer cela et le vivre, dans une société qui le refuse ou ne le pratique pas, alors Dieu est venu au secours des hommes en faisant du sabbat un commandement (et non pas un simple conseil). Dieu est un père bon et sage qui, par son commandement, nous libère du piège de l’esclavage du travail.
Aujourd’hui encore, l’arrêt volontairement consenti de tout travail un jour dans la semaine, (qui n‘est pas forcément le dimanche pour ceux qui travaillent dans le secteur de la santé, ou du service auprès de personnes âgées ou handicapées, …) devient un temps où ce n’est plus le faire qui prime mais l’être ; ce n’est pas ce que nous faisons ou ce que nous produisons qui est important mais ce que nous sommes. Notre identité, notre raison d’être ne réside pas dans notre travail, notre profession, notre titre, mais dans le face à face avec Dieu, dans la rencontre avec notre créateur et notre Seigneur. C’est cela qui a valeur d’éternité
Nous avons besoin de ces temps de sabbat-repos. Sachons les prendre avec intelligence et reconnaissance. Dieu nous les offre et les vacances entrent dans ce cadre ; ce n’est pas du temps pour paresser, mais c’est du temps pour être.
Les 10 commandements sont toujours valables. Jésus-Christ nous a libéré du légalisme du sabbat c’est-à-dire de son observation à la lettre – déviation dans laquelle il s’était installé – mais il nous demande d’en conserver l’esprit et à en faire habiter non seulement nos jours de congés et de vacances mais aussi tous les autres jours.
Le Seigneur Jésus nous invite à recevoir ses instructions pour connaître le vrai repos, le repos de l’âme, il nous invite à demeurer en lui pour connaître sa paix. Il est venu proclamer une année de grâce, l’Evangile qui libère. Il nous offre le salut, la Vie éternelle, la Vie avec Lui déjà, ici, maintenant, sur terre. La parole prononcée par le Christ sur la croix « tout est accompli, achevé », est une invitation à entrer dans son repos. Oui, comme nous le dit l’apôtre Paul dans sa lettre aux Ephésiens « Nous sommes l’ouvrage de Dieu et il nous a créés en Jésus-Christ (la nouvelle naissance, la vie nouvelle qu’il nous offre) pour de bonnes œuvres qu’il a préparées d’avance afin que nous les pratiquions, que nous les vivions». On retrouve bien là un goût du paradis perdu !
Terminons avec une question : dans notre société où le travail est réduit à 35h par semaine, cette invitation au repos a-t-elle encore un sens ?
Oui et plus que jamais car le repos – s’arrêter de travailler – n’est pas un but que Dieu nous fixe, mais le moyen qu’il nous donne pour nous mettre à son écoute.
Nous travaillons moins peut-être, mais nous avons toujours moins de temps.
Les loisirs de toutes sortes, les activités parallèles bénévoles peuvent nous occuper et accaparer notre attention encore plus que le travail. Attention à toutes ces activités qui peuvent devenir suractivités : des voleuses de temps et de repos.
Attention à toutes ces activités qui nous empêchent d’être seul, de réfléchir, de méditer, et qui nous détournent de la véritable intention de Dieu : le repos pour le rencontrer, le repos pour ETRE, le repos pour le connaître afin de mieux le servir et mieux servir notre prochain.
Les vacances sont une chance de plus pour vivre un vrai repos ; ne les laissons pas devenir un piège. Alors à tous, bonnes vacances ! bon repos !
Que ce soit à la plage, à la montagne, à la campagne, ou en restant chez vous, passez du bon temps avec Dieu et avec ceux qu’il place sur votre route.