Prédication donnée par Simon Kéglo à Massy le 25 mai 2014
L’importance de la loyauté et du tact ; comment éviter les polarisations (Néhémie 2 : 1-8)
Le passage :
Au mois de Nisan, la vingtième année du roi Artaxerxès, comme le vin était devant lui, je pris le vin et je l’offris au roi. Jamais je n’avais paru triste en sa présence. Le roi me dit : Pourquoi as-tu mauvais visage ? Tu n’es pourtant pas malade ; ce ne peut être qu’un chagrin de cœur. Je fus saisi d’une grande crainte, et je répondis au roi : Que le roi vive éternellement ! Comment n’aurais-je pas mauvais visage, lorsque la ville où sont les sépulcres de mes pères est détruite et que ses portes sont consumées par le feu ?Et le roi me dit : Que demandes-tu ? Je priai le Dieu des cieux,et je répondis au roi : Si le roi le trouve bon, et si ton serviteur lui est agréable, envoie-moi en Juda, vers la ville des sépulcres de mes pères, pour que je la rebâtisse.Le roi, auprès duquel la reine était assise, me dit alors : Combien ton voyage durera-t-il, et quand seras-tu de retour ? Il plut au roi de me laisser partir, et je lui fixai un temps.Puis je dis au roi : Si le roi le trouve bon, qu’on me donne des lettres pour les gouverneurs de l’autre côté du fleuve, afin qu’ils me laissent passer et entrer en Juda,et une lettre pour Asaph, garde forestier du roi, afin qu’il me fournisse du bois de charpente pour les portes de la citadelle près de la maison, pour la muraille de la ville, et pour la maison que j’occuperai. Le roi me donna ces lettres, car la bonne main de mon Dieu était sur moi.
David Boydell, dans sa prédication il y a deux semaines sur le texte de Néhémie chapitre 1 versets 4 à 11, s’est arrêté sur la prière de Néhémie de laquelle il a dégagé 5 points. C’est son cinquième point que nous verrons déployépar les propos et le comportement de Néhémie dans le chapitre 2, versets 1 à 8 que nous venons de lire. Que dit le point 5 de David ?La prière a des conséquences imprévues. Je le cite :
« Au début de la prière de Néhémie, nous avons l’impression qu’il allait demander une intervention divine pour rétablir les murs de Jérusalem, et c’est ce qu’il fait ; il demande que Dieu intervienne. Mais au fur et à mesure qu’il prie, il devient conscient que Dieu est en train de lui demander de faire partie de l’exaucement de sa propre prière… il sait qu’il doit intervenir auprès du roi Artaxerxès…. »
Néhémie attend une réponse à ses prières. Il sait que le roi est la clef de la solution du problème qui lui cause de la tristesse, et il a prié pour qu’Artaxerxès lui soit favorable : « Ah ! Seigneur, que ton oreille soit attentive à la prière de ton serviteur, et à la prière de tes serviteurs qui veulent craindre ton nom ! Donne aujourd’hui du succès à ton serviteur, et fais-lui trouver grâce devant cet homme ! J’étais alors échanson du roi. » (1 : 11).
Au cours du banquet auquel assistait l’épouse d’Artaxerxès, Néhémie prend le vin et l’offre au roi. Peut-être est-il trahi par le regard de ce dernier !Peut-être le roi s’est-il inquiété à cause de son attitude !Quoi qu’il en soit, Artaxerxès remarque un changement en lui (2 : 1b). Il pose des questions à Néhémie : « Pourquoi as-tu mauvais visage ? »« Tu n’es pourtant pas malade » ; « ce ne peut être qu’un chagrin de cœur » (2 : 2).Et dans ses questions il se pourrait que le roi soupçonne un attentat contre sa vie. La démarche de Néhémie comporte donc un risque pour sa propre vie.
Mais Néhémie fait preuve de tact et de considération à l’égard du roi. Sans tarder, il assure Artaxerxès de sa loyauté. « Que le roi vive éternellement », dit-il. Il s’agit là bien sûr d’un cliché. Avant Artaxerxès, bien des rois ont entendu cette phrase de la bouche de ceux qui en voulaient à leurs vies. Cependant, ces paroles étant prononcées par Néhémie dont la sincérité est indiscutable, le roi le croit et lui permet de continuer.
En assurant le roi de sa fidélité à la couronne, Néhémie établit une base qui va lui permettre d’expliquer ce qui le préoccupe. Si le roi n’avait pas cru à la loyauté de ses services,Néhémie aurait eu quelques difficultés à lui faire comprendre l’objet de son « chagrin de cœur ».La loyauté est une qualité de cœur qui permet à des personnes que Dieu met ensemble dans une mission, d’aller de l’avant en toute confiance.
En réponse à la question du roi, Néhémie dit : « Comment n’aurais-je pas mauvais visage, lorsque la ville où sont les sépulcres de mes pères est détruite et que ses portes sont consumées par le feu ? » (2 : 3). Dans sa réponse, Néhémie fait preuve de tact ; il ne se justifie pas comme nous le faisons souvent ; il évite de trop s’engager à l’extrême et préserve ainsi ses bonnes relations avec le roi ; il se contente de dire son chagrin : la ville où reposent les restes de mes ancêtres est détruite.
Dans l’exposé de son chagrin, nous trouvons une seconde illustration du tact dont il fait preuve. Il connaît le respect que l’on vouait aux ancêtres dans tout le Proche-Orient, aussi n’hésite-t-il pas à parler de la profanation des tombeaux de ses pères. Il sait très bien que le roi sera sensible à cet argument. Notons aussi qu’à aucun moment il ne mentionne le nom de la ville de ses pères. Ce n’est pas une supercherie de sa part, mais un moyen judicieux qu’il emploie pour éviter un sujet par trop brûlant.
En effet, la réputation de Jérusalem à travers l’histoire est celle d’une ville rebelle (Esdras 4 : 6–16). Le roi Artaxerxès connaît l’origine ethnique de Néhémie, et ce dernier a suffisamment de bon sens pour ne pas compromettre ses chances de réussir enrappelant au roi de mauvais souvenirs. La tâche de Néhémie est d’autant plus difficile qu’il désire obtenir l’autorisation de retourner à Jérusalem pour y reconstruire la muraille, ce que le roi avait interdit au préalable (Esdras 4 : 17-22).
La façon dont Néhémie s’est sorti de cette situation des plus inattendues, souligne qu’il est toujours important de faire preuve de délicatesse dans les situations que nous avons à gérer. Le tact ne consiste pas à se montrer d’accord avec tout ce que peut dire une personne, ni à mentir pour ne blesser personne. Mais le tact repose sur la vérité et tient compte du caractère et de la compréhension de la nature humaine. C’est l’art d’approcher les gens afin de leur transmettre nos requêtes ; c’est une attitude d’humilité. Néhémie l’adopte parce qu’il sait que désormais, il est devenu partenaire de Dieu pour l’exaucement de ses propres prières.
L’approche de Néhémie porte du fruit
La discrétion de Néhémie amène le roi à lui demander ce qu’il pouvait faire pour l’aider. Néhémie s’empresse alors de faire monter au ciel une prière, car il a ressenti le besoin d’une aide urgente pour faire part au roi de son projet et lui énoncer ses requêtes ; il a besoin d’aide divine pour rester dans cette attitude qui lui assure la porte ouverte du cœur du roi.
A la question d’ordre général que le roi lui pose, Néhémie répond d’une manière spécifique : « Si le roi le trouve bon, si ton serviteur lui est agréable, envoie-moi en Juda, vers la ville des sépulcres de mes pères, pour que je la rétablisse… Qu’on me donne des lettres pour les gouverneurs de l’autre côté du fleuve, afin qu’ils me laissent passer… et une lettre pour Asaph, le garde forestier du roi, afin qu’il me fournisse du bois de charpente » (2 : 5, 7, 8). Néhémie veut s’assurer qu’il sera bien envoyé, qu’il sera protégé pendant son absence et que l’on pourvoira à ses besoins.
La première partie de sa réponse contient un principe important dans la conduite des projets que Dieu nous confie. Nous ne réussirons pas à faire adopter nos idées si nous méprisons ceux qui sont responsables au-dessus de nous. En faisant précéder sa demande de : « si le roi le trouve bon », Néhémie inscrit sa démarche dans le respect de tous ceux que Dieu met à son service pour réaliser ses projets. Le roi respecté dans sa fonction soutient Néhémie dans son projet.
Néhémie confie au roi le soin de prendre la décision ; il lui suggère de prendre l’initiative, car il sait que Dieu est derrière tout cela, utilisant tous ceux qu’il veut pour son œuvre. Toute son attitude a pour fin de montrer à Artaxerxès qu’il est loyal envers lui. Une fois encore, Néhémie démontre que ses prières resteront vaines s’il ne les accompagne pas d’attitudes qui mettent en avant l’importance des relations humaines, qui respecte des règles de bienséance. Il est convaincu qu’en demandant à Dieu de l’aider, il est devenu lui-même le bras de Dieu.
Encore quelques leçons à tirer de l’exemple de Néhémie :
Quelques mois plus tôt, en comprenant que Dieu voulait le faire participer à la réponse même à ses prières, Néhémie a commencé à réfléchir à tous ceux dont il allait avoir besoin. En examinant la situation, il ne voit qu’une seule personne capable de lui apporter ce dont il a besoin pour rebâtir la ville : Artaxerxès. Il est aussi conscient des obstacles qu’il pourrait rencontrer et qui l’empêcheraient de mener à bien son travail. Il sait qu’avant de commencer la reconstruction de la ville, il lui fallait obtenir un libre accès aux différentes provinces qu’il devait traverser. Il était conscient des mauvais sentiments que pouvaient éprouver les gouverneurs à l’égard des Juifs, et il savait qu’eux et leurs officiers pouvaient interrompre son voyage et entraver son travail s’il ne leur fournissait pas des lettres de créance. Seul le sceau du roi ferait l’affaire !
Après avoir bien tout préparé, Néhémie sait maintenant de quoi il a besoin, et il dresse la liste de ce qu’il lui faut. « Si le roi le trouve bon, qu’on me donne des lettres pour les gouverneurs (des provinces) de l’autre côté du fleuve, afin qu’ils me laissent passer et entrer en Juda » (2 : 7). C’est une excellente démarche politique que d’avoir obtenu du roi Artaxerxès une telle autorisation, une bonne initiative de la part de Néhémie. Ces lettres de créance vont placer son œuvre directement sous l’égide du roi. Nous devons imiter Néhémie : tenir compte des facteurs humains dans la conduite des projets que Dieu nous donne de concevoir pour l’avancement de son Royaume, discerner quelles peuvent être les forces nuisibles qui pourraient entraver notre mission et nous préparer à les déjouer, qu’elles viennent de l’intérieur comme de l’extérieur.
Enfin, la façon dont Néhémie annonce ses besoins est absolument digne de celui qui l’envoie en Juda. « Qu’on me donne une lettre pour Asaph, garde-forestier du roi, afin qu’il me fournisse du bois de charpente pour les portes de la citadelle près de la maison, pour la muraille de la ville, et pour la maison que j’occuperai » (2 : 8). Néhémie sait que l’une des forêts d’Artaxerxès se trouve près de Jérusalem, et il connaît le nom du garde forestier. Grâce à Hanani, il connaît également le plan de la ville.
S’étant si bien préparé pour sa mission, on pourrait s’attendre à ce qu’il se félicite de son succès. Mais il écrit : « le roi me donna ses lettres, car la bonne main de mon Dieu était sur moi » (2 : 8). Il dépend véritablement du Seigneur pour tout. Son humilité est sincère et son exemple nous rappelle de ne pas nous vanter des choses que Dieu fait à travers nous, comme si nous les avions accomplies sans aucune aide.
Finalement, le secret de la réussite des projets que Dieu peut nous confier, c’est :
– de réaliser avant tout qu’il nous rend partenaires de l’exaucement de nos prières ;
– de réfléchir dans la prière en soumettant nos projets à Dieu ;
– de savoir que Dieu réalise ses projets en se servant des hommes et que nous devons donc tenir compte des facteurs humains et exploiter l’intelligence humaine autant que cela se peut ;
– de se considérer et de se respecter tous comme co-ouvriers que Dieu utilise, chacun à sa place, pour le succès de la mission (nous verrons cet aspect dans la prochaine prédication).
Je l’ai déjà dit. Nous avons travaillé ensemble pour mettre par écrit un nouveau projet d’Eglise. Mais un projet, aussi bon qu’il soit sur le papier, ne fera jamais réussir une Eglise si ses membres n’ont pas compris que Dieu les appelle à être participants jusque dans les exaucements de leurs prières pour la réussite du projet.