Prédication donnée par Pierre Jeuch à Massy le 29 septembre 2014
Êtes-vous sensibles aux critiques ?
Comment encaissez-vous le mépris des autres ?
Ça dépend, direz-vous, de qui cela vient, et à quel sujet.
Ce matin nous allons continuer notre méditation du livre de Néhémie au chapitre 4, et découvrir comment Néhémie gère les moqueries et les menaces de ceux qui s’attaquent à la mission qu’il a entreprise de reconstruire les murailles et les portes de Jérusalem.
Simon nous a montré la semaine dernière avec le chapitre 3 comment le travail de construction s’est organisé avec une mobilisation collective et un partage efficace des tâches. Ainsi l’œuvre avance et les ennemis commencent à se manifester.
Pour introduire tout de suite l’application que je vous propose de ce texte, j’aimerais suggérer un parallèle que je vais développer entre la mission de Néhémie et notre mission à nous. Celle-ci peut prendre différents aspects, mais le cœur de notre mission est de faire connaître le message de l’évangile, la bonne nouvelle du salut en Jésus-Christ à nos contemporains, et plus précisément à nos concitoyens. C’est la mission que le Seigneur Jésus a confiée à ses disciples juste avant de disparaître à leurs yeux, 40 jours après la résurrection. Toutes les autres missions de l’Eglise s’articulent autour de celle-ci et trouvent leur sens dans cette mission centrale.
Certains appellent les évangéliques, « évangélistes ». Je crois que c’est très pertinent. Ce qui nous caractérise en effet c’est avant tout notre mission et la façon d’y répondre.
Et comme dans le cas du projet de Néhémie, cette mission suscite opposition, mépris et moquerie. Cette moquerie est une arme de l’ennemi apparemment insignifiante et pourtant tellement redoutable. Nous y reviendrons.
Lisons le texte: Néhémie 4, dans la traduction Segond, ou bien à partir du chapitre 3 v.33 selon le découpage des chapitres dans les traductions plus récentes, comme celle de la Bible du Semeur que j’utilise.
33 Lorsque Sanballat apprit que nous rebâtissions la muraille, il fut très mécontent et se mit violemment en colère. Il se moqua des Juifs
34 en disant devant ses compatriotes et devant l’armée de Samarie:
—Qu’est-ce que ces minables Juifs veulent donc faire? S’imagineraient-ils qu’on va les laisser agir et qu’en offrant des sacrifices à leur Dieu ils viendront maintenant à bout d’une telle entreprise? Redonneront-ils vie à des pierres ensevelies sous des monceaux de poussière et calcinées?
35 Tobiya, l’Ammonite, qui se tenait à ses côtés ajouta:
—Ils n’ont qu’à bâtir! Si un renard s’élance contre leur muraille de pierre, il la brisera.
36 Ecoute, ô notre Dieu, comme on nous méprise! Fais retomber sur eux l’humiliation qu’ils nous infligent et livre-les au pillage sur une terre d’exil.
37 Ne pardonne pas leur faute et n’efface pas leur péché, car ils ont offensé ceux qui rebâtissent les remparts.
38 Cependant, nous avons continué à bâtir la muraille et, sur tout le pourtour, elle fut réparée jusqu’à mi-hauteur, car chacun avait pris ce travail à cœur.
Arrêtons-nous un instant ici.
« Qu’est-ce que ces minables juifs veulent donc faire ? » (v.34) « Mais pour qui se prennent-ils ? ».
Le changement de comportement de ces juifs minables étonne et contrarie les petits princes de la région.
Notons que leur jugement était tout à fait juste, car il était totalement adopté par les juifs eux-mêmes. Ils étaient convaincus de leur impuissance.
Pour nous en convaincre, relisons le début du livre, chap.1 v.2-3 :
2 Hanani, l’un de mes parents, arriva avec un groupe d’hommes de Juda. Je leur demandai des nouvelles du reste des Juifs revenus d’exil, et de Jérusalem.
3 Ils me répondirent:
—Ceux qui ont survécu à la captivité et qui vivent dans la province de Juda se trouvent dans une grande misère et dans une situation très humiliante; il y a des brèches dans la muraille de Jérusalem et ses portes ont été détruites par le feu.
Est-ce la destruction de la muraille qui cause leur misère ? Je pense que c’est plutôt leur abattement qui est la cause des brèches non réparées. L’histoire de la reconstruction de la muraille sous l’impulsion de Néhémie en est bien la preuve.
Celui qui se voit comme faible est effectivement faible et misérable, incapable d’initiative. Il est prisonnier de sa logique d’impuissance, de minable.
Les moqueries de Sanballat ne font que mettre en lumière la réalité de ce que tout le monde sait. Cependant là où Sanballat et Tobija commettent une grave erreur, c’est quand ils se moquent de Dieu :
34 S’imagineraient-ils qu’on va les laisser agir et qu’en offrant des sacrifices à leur Dieu ils viendront maintenant à bout d’une telle entreprise?
Selon ces ennemis arrogants, le Dieu des juifs est aussi minable que ces pauvres juifs rescapés eux-mêmes.
Et c’est bien à Dieu que Néhémie en appelle pour anéantir ces insultes et retourner la situation :
36 Fais retomber sur eux l’humiliation qu’ils nous infligent et livre-les au pillage sur une terre d’exil.
37 Ne pardonne pas leur faute et n’efface pas leur péché, car ils ont offensé ceux qui rebâtissent les remparts.
Deux mots à propos de cette prière d’imprécation. Souvent de telles prières, que l’on trouve parfois dans les Psaumes, nous dérangent.
Ne sommes-nous pas appelés à aimer nos ennemis plutôt que de prier pour leur malheur ?
Cette prière est avant tout une réaction énergique contre ceux qui méprisent Dieu. C’est aussi une façon d’inviter le peuple qui l’entend à faire confiance à Dieu, tout-puissant et juste, qui ne laisse pas le méchant impuni. Oui Dieu n’est ni sourd, ni impuissant comme les méchants le laissent entendre. Nous croyons, nous savons que c’est lui qui aura le dernier mot.
Face au mépris et à la moquerie, notre arme la plus redoutable n’est pas la contre-attaque, mais la confiance renouvelée en Dieu qui nous envoie et nous qualifie.
Pour développer le parallèle avec notre situation présente, je constate que beaucoup de chrétiens évangéliques en France sont dans cette attitude défaitiste que l’on avait chez les juifs du temps de Néhémie. Faible minorité, sans accès aux média, qui en plus nous ridiculisent souvent, nous avons l’impression que notre message de salut ne peut être entendu par nos compatriotes. Notre mission de faire connaître l’évangile au peuple français aujourd’hui est totalement hors de notre portée. Face à ces moqueries de ceux qui nous méprisent ou considèrent avec condescendance ces chrétiens qui ne vivent pas avec leur temps, nous nous refermons facilement sur nous-mêmes et nous nous réfugions dans nos assemblées.
Faibles et misérables, nous le sommes surtout dans nos têtes, en oubliant l’autorité de celui qui nous envoie. Le mépris et les critiques sont souvent plus redoutables que la persécution violente pour nous détourner de notre mission.
Remettons tout cela au Seigneur comme le fait Néhémie, et continuons le travail, restons focalisés sur la tâche à accomplir :
38 Cependant, nous avons continué à bâtir la muraille et, sur tout le pourtour, elle fut réparée jusqu’à mi-hauteur, car chacun avait pris ce travail à cœur.
Oui, Néhémie a su encourager et mobiliser ce peuple faible et minable aux yeux de tous.
Poursuivons notre lecture au début du chapitre 4 (ou au verset 7 pour ceux qui ont la traduction Segond).
4 1 Lorsque Sanballat, Tobiya, les Arabes, les Ammonites et les Asdodiens apprirent que la restauration des murailles de Jérusalem progressait et que les brèches commençaient à être obturées, ils se mirent très en colère.
2 Ils se liguèrent tous ensemble pour aller attaquer Jérusalem et y semer le désordre.
3 Alors nous avons prié notre Dieu et nous avons posté des gens pour monter la garde, de jour et de nuit, pour nous défendre contre eux.
Maintenant l’opposition passe de la moquerie à la menace. Le découragement a fait place à la mobilisation et l’ennemi se rend compte que le vent tourne.
La réaction de Néhémie est un modèle d’équilibre : prier et se préparer à repousser l’attaque. Compter sur Dieu ne veut pas dire se voiler la face devant l’opposition ou la menace. La suite nous montre que cette préparation est suffisamment dissuasive pour éviter que les menaces ne soient mises à exécution.
Pour traduire cela dans notre parallèle moderne, il est important de se former pour être bien préparé.
Je me rappelle, qu’alors que j’étais jeune responsable d’une implantation d’Eglise, j’ai interrogé Ralph Shallis qui était mon mentor à l’époque, sur ce qu’il fallait privilégier : évangéliser ou former les nouveaux convertis. Il m’a naturellement répondu qu’il ne fallait négliger ni l’un ni l’autre. Difficile de tout faire ! Et pourtant, on n’a pas le choix.
C’est exactement le problème qui se pose à Néhémie et que la suite du chap.4 développe. Bâtir et se défendre, jour et nuit ! Mais pour le peuple, trop c’est trop, et le peuple se met à murmurer. Comme Simon le soulignait la semaine dernière, on était loin des 35h de travail par semaine !
4 Cependant, déjà le peuple de Juda murmurait :
—Ceux qui portent les fardeaux sont à bout de forces et les tas de décombres restent énormes. Jamais nous n’arriverons à rebâtir cette muraille!
5 Quant à nos adversaires, ils disaient :
—Ils ne sauront rien et ne verront rien jusqu’au moment où nous surgirons au milieu d’eux pour les massacrer et mettre fin à ce travail.
6 Les Juifs qui habitaient parmi eux vinrent dix fois nous avertir de ce qu’ils préparaient :
—De tous les lieux où vous vous tournerez, disaient-ils, ils viendront contre nous.
Avec les murmures vient aussi le découragement, et les ennemis reprennent espoir d’anéantir le travail.
Je vois cependant dans les menaces des ennemis davantage d’intimidation que de volonté de se battre réellement. Ces fuites organisées (dix fois) et cette menace d’agression de tous côtés ressemblent bien à de l’intimidation. Ils n’avaient sans doute pas la capacité de venir à bout de ce peuple encouragé et encadré par Néhémie.
A l’intimidation, Néhémie répond par la préparation à repousser l’attaque, ce qui constitue une véritable dissuasion.
7 C’est pourquoi je mis des gens en place en contrebas derrière la muraille, aux endroits découverts; je les postai groupés par familles et armés d’épées, de lances et d’arcs.
Notez bien que Néhémie tient compte des plaintes du peuple en partageant les tâches. Simon a développé cet aspect de partage du travail la semaine dernière. Je n’insisterai donc pas.
Continuons notre lecture chap.4:7-9
8 Après avoir tout inspecté, je m’adressai aux notables, aux chefs et au reste du peuple:
—N’ayez pas peur d’eux ! Pensez au Seigneur qui est grand et redoutable, et combattez pour vos frères, vos fils et vos filles, vos femmes et vos maisons!
9 Lorsque nos ennemis apprirent que nous étions informés et que Dieu avait ainsi déjoué leur projet, nous sommes tous retournés à la muraille, chacun à son travail.
Pour poursuivre le parallèle avec notre mission je dirais en écho à l’exhortation de Néhémie : N’ayez pas peur d’affirmer votre foi et d’annoncer la bonne nouvelle. Regardez au Seigneur qui est grand et redoutable !
Souvenons-nous, nous sommes aussi forts que le Dieu qui nous envoie.
Lisons la suite du texte au verset 10
10 Mais à partir de ce jour, la moitié des hommes seulement faisaient le travail et ceux de l’autre moitié, vêtus de cuirasses, étaient armés des lances, des boucliers et des arcs. Et les chefs se tenaient derrière tous les gens de Juda.
11 Ceux qui étaient occupés à rebâtir la muraille et ceux qui portaient ou chargeaient les fardeaux travaillaient d’une main et tenaient une arme de l’autre.
12 Chacun des bâtisseurs avait son épée attachée à sa hanche.
La défense s’organise, et certains sont totalement affectés à la protection des travailleurs, mais tous restent prêts à se battre.
C’est ainsi qu’ils bâtissaient. Un homme se tenait à mes côtés prêt à sonner du cor.
13 Je dis alors aux notables, aux chefs et au reste du peuple:
—Le travail est considérable et s’étend sur une grande distance, nous sommes dispersés loin les uns des autres le long de la muraille.
14 Rassemblez-vous autour de nous, à l’endroit où vous entendrez le son du cor, et notre Dieu combattra pour nous.
15 C’est ainsi que, chaque jour, nous poursuivions notre entreprise, la moitié d’entre nous tenant la lance à la main depuis l’aurore jusqu’à l’apparition des étoiles.
16 Durant cette période, je dis encore au peuple:
—Que chacun passe la nuit dans Jérusalem avec son collaborateur. Ainsi, nous pourrons monter la garde pendant la nuit et poursuivre le travail pendant le jour.
17 Ni moi, ni mes proches, ni mes collaborateurs, ni les gardes de mon escorte, nous ne quittions nos vêtements, chacun gardait ses armes à portée de main.
Le peuple est dispersé tout le long de la muraille pour réparer les brèches, mais en cas de menace il se regroupe, au son du cor, pour être plus forts ensemble.
Nous aussi nous sommes dispersés dans notre témoignage, chacun auprès de ses voisins ou collègues. Mais nous avons aussi besoin de nous soutenir les uns les autres dans notre mission, et les rassemblements de l’Eglise sont importants pour cela. Notre ennemi est rusé et déterminé à neutraliser notre témoignage, mais nous ne sommes pas seuls.
De façon très concrète il y a bien sûr les rencontres de toute l’Eglise le dimanche, mais les groupes de maison permettent sans doute une plus grande proximité dans ce soutien réciproque. Si vous n’êtes pas encore intégré à un tel groupe voyez Simon pour vous conseiller.
Je vais conclure en soulignant à nouveau l’enjeu de notre mission. Dieu s’est fait connaître à nous pour nous révéler le salut en Jésus Christ. Nous le louons pour cette grâce extraordinaire. Mais Dieu nous envoie aussi pour nous associer à cette œuvre de salut de l’humanité. Tant de nos compatriotes français en ce début du 21ème siècle sont sans espoir et sans Dieu. N’ayons pas peur de proclamer ce message de salut. Et si certains se moquent, veulent nous ridiculiser et nous méprisent, regardons à ce Dieu fort et redoutable qui nous envoie dans sa mission.