Résultat de recherche d'images pour "2ème dimanche de l'avent"Texte de la prédication de David Boydell du 13 décembre 2009.

3eme dimanche de l’Avent – Luc 2 : 1-7

Le premier chapitre de l’évangile de Luc raconte les événements qui précèdent et qui préparent la naissance de Jésus. Deux naissances sont annoncées par des anges – celle de Jean-Baptiste et celle de Jésus, et ces deux naissances seront miraculeuses : Élisabeth était stérile et âgée, et son mari Zacharie avait du mal à croire que leurs prières avaient été exaucées et qu’ils seraient les parents de Jean-Baptiste.

Mais le miracle de la naissance de Jean-Baptiste n’était rien en comparaison à la naissance de Jésus. Marie, à la différence d’Élisabeth, était jeune et encore vierge, et elle n’avait rien demandé à Dieu ! Mais Dieu était en train de faire de grandes choses, et tout le monde était dans l’expectative.

Et voilà qu’au début du chapitre 2 nous revenons sur terre dans un sens, au moins pour quelques instants. Luc l’historien place toute cette histoire dans son contexte politique et historique :

1 : Notre récit commence par les grands de ce monde (v 1-5) :

Deux remarques sur ces 5 premiers versets, où les « grands de ce monde » – César Auguste en particulier – dominent l’action.

a : L’historien Luc place la naissance de Jésus dans son contexte historico-politique. Ce qu’il raconte n’est pas « un conte de fées », une histoire digne des films de Walt Disney, malgré le charme évident de l’histoire telle qu’elle est racontée. Luc, qui avait une formation de médecin et qui a accompagné Paul plusieurs fois au cours de ses voyages missionnaires, a fait des recherches exactes et a sans doute parlé avec les témoins oculaires de ces événements avant de rédiger son évangile : il nous le dit dans son prologue (1.1-4).

Dans le passé, certains savants étaient assez sceptiques quant à l’exactitude des recherches de Luc. Mais avec l’avancement de l’archéologie, de plus en plus de détails qui étaient racontés par Luc seul ont été vérifiés, souvent par des savants qui avaient commencé leurs recherches dans le but de discréditer Luc. Tel était le cas, par exemple, de Sir William Mitchell Ramsay, professeur à l’université d’Oxford et archéologue. Ramsay avait l’honnêteté d’admettre que ses premières théories étaient fausses, et que Luc était en effet un historien fiable et sérieux. Nous avons donc affaire à un historien sérieux en Luc et nous devons prendre au sérieux ce qu’il dit, comme c’est le cas des autres évangélistes aussi.

b : Les « grands de ce monde » prennent des décisions qui changent le monde. Et il n’y avait pas homme plus grand ni plus puissant dans le monde que César Auguste au temps de la naissance de Jésus. Auguste, petit-neveu de Jules-César et premier des empereurs de Rome, est reconnu comme un des trois plus grands conquérants de l’histoire. Sa prétention de « recenser toute la terre » (sans doute en vue de lever des impôts) montre l’étendue de sa puissance. Son influence allait jusqu’en Inde et en Perse à l’orient, en Afrique du Nord au sud, et jusqu’en Gaule en occident.

Son effigie se trouvait sur toutes les pièces de monnaie et on a retrouvé 230 statues d’Auguste. La ville portuaire de Césarée fut édifiée à son honneur, avec un temple qui lui était dédié.

Sur sa tombe, à Rome, une longue inscription gravée sur des feuilles de bronze expose sa propre version de sa grandeur. (…) Auguste était immensément riche (et) il était essentiel pour la popularité de son nom qu’il montre sa richesse par la construction d’édifices : Parlant de la ville de Rome, il disait : ‘Je l’ai trouvée en brique, je l’ai laissée en marbre.’ » Il organisait à Rome des spectacles de gladiateurs avec jusqu’à 10 000 figurants, et des simulacres de batailles navales qui n’auraient rien à envier aux spectacles et aux films des temps modernes.

Et comme les grands du XXIe siècle, le grand empereur romain Auguste prenait des décisions qui pouvaient changer la vie de millions de ses sujets. Sans doute pour mieux évaluer les revenus de chacun, puisque le recensement était la première étape dans l’imposition de ses sujets, il a obligé tout le monde à retourner à leur ville d’origine pour se faire recenser. Cela les empêchait de cacher les terres ou les maisons dont ils allaient un jour hériter. Imaginez toutes ces personnes qui devaient quitter leur maison et leur travail pendant plusieurs semaines, à une époque où les congés payés et les moyens de transport rapides n’existaient pas ! Riches ou pauvres, ils devaient voyager, acheter de la nourriture, trouver où se loger. Et en particulier, cette décision d’un homme puissant à Rome a nécessité un long voyage inconfortable pour une femme enceinte et son mari, car malgré le terme « fiancée » dans la plupart des traductions au v 5, ils n’auraient pas eu le droit de voyager ensemble sans être mariées. Matthieu précise ce détail, tout en disant qu’ils n’avaient pas de rapports avant la naissance de Jésus (Mt 1. 24-25), ce qui explique le terme « fiancée » ici.

Ce voyage a dû être difficile pour Joseph et Marie. Quelle femme aujourd’hui accepterait de faire plus de 130 km à pied sur un terrain accidenté vers la fin de son accouchement ? Mais Marie et Joseph n’avaient pas le choix. Et voilà une bonne illustration de l’injustice de ce monde : les puissants, même en démocratie, prennent des décisions, et le petit peuple souffre à cause de ces décisions.

Oui, les riches et les puissants prennent souvent ce qui nous semblent être de mauvaises décisions, mais à son insu, le grand empereur Auguste, celui qui était même adoré comme dieu dans les provinces orientales, accomplissait la volonté du Dieu unique ! Car il fallait que Jésus, né de parents galiléens, naisse à Bethléhem. Et ce décret apparemment injuste de César Auguste a servi aux plans de Dieu. Contre toute apparence, Dieu dirigeait les événements. Est-ce que Joseph et Marie avaient déjà compris ? Nous ne savons pas, mais en tout cas ils accomplissaient la volonté de Dieu en subissant la dureté d’un long voyage, qui a sans doute duré une semaine, à l’époque où Marie était presque sur le point de donner naissance à son premier-né.

Si nous avons parfois l’impression de souffrir à cause des décisions des puissants de ce monde, n’oublions pas que leur puissance est limitée, et que souvent, à leur insu, ils prennent des décisions qui concourent, malgré eux, aux plans de Dieu. Oui, ils peuvent faire des choses injustes, oui, souvent, à dessein ou par accident, ils font souffrir les autres, mais à la fin seule la volonté de Dieu prévaudra. Comme Auguste, leur gloire est bien limitée.

2 : Mais le reste de l’histoire concerne des pauvres : v 6-7

Joseph et Marie, bien qu’ils descendent tous les deux des rois d’Israël, font partie du « petit peuple » d’Israël, et leur vie n’était sans doute pas facile.

Ils habitaient une ville assez obscure de la Galilée, province éloignée de la capitale, et méprisée par les Judéens. Même les autres Galiléens avaient peu d’égards pour Nazareth : Vous vous rappelez la remarque de Nathanaël quand il a entendu où habitait Jésus : « A Nazareth ? Quelque chose de bon peut-il venir de Nazareth ? »

L’offrande qu’ils ont fait au temple, 40 jours après la naissance de Jésus, selon la loi du Lévitique, était celle des gens pauvres : quatre oiseaux au lieu de deux oiseaux et un agneau (2.24). Il est évident que ce couple pieux aurait donné plus s’ils avaient eu les moyens : mais ce n’était pas possible.

Les conditions de la naissance de Jésus étaient précaires à l’extrême : non seulement ils n’avaient pas d’hôpital moderne, ils n’étaient même pas entourés par la famille, et il est même possible que Marie a donné naissance à Jésus dans la rue, en plein air. Après sa naissance Jésus a été placé dans une mangeoire, sans doute à l’extérieur du bâtiment que beaucoup de nos versions ont appelé une « auberge » ou une « hôtellerie ». Mais le mot utilisé ici n’est pas celui que nous trouvons dans la parabole du Bon Samaritain, qui a donné de l’argent à un vrai aubergiste qui tenait une hôtellerie (pandoceion). Le mot ici (kataluma) est celui qui est utilisée pour « la chambre haute » de la Cène, et il désigne sans doute une salle commune, ou même un campement ou un abri où les voyageurs pouvaient passer la nuit. (traduit l’abri destiné aux voyageurs par la Bible en Français Courant, et la salle où logent les gens de passage par d’autres versions). Et même dans cette salle commune, assez sommaire, ou cet abri, il n’y avait pas de place pour ce couple et leur enfant qui allait naître, sans doute puisqu’ils craignaient de réveiller tout le monde. Jésus est donc né à l’extérieur de cette salle, soit en plein air, soit dans une caverne selon une tradition du IIe siècle qui est vraisemblable : très loin du confort moderne ! Mais il a plu à Dieu que son Fils entre ainsi dans le monde. Il a pris en tous points la condition humaine, la pauvreté, la souffrance, la précarité, dès le début de sa vie sur terre.

Et même Bethléhem n’était pas le centre du monde ! C’était le village de Ruth et Boaz, celui du roi David, c’est vrai, mais ce village n’avait rien en commun avec la ville de Jérusalem, à une dizaine de kilomètres de distance : à part ces illustres habitants du passé et le fait que le Messie devait y naître, c’était une commune agricole, « Beït lechem », maison du pain, appelé ainsi à cause de l’orge et du blé qui y poussaient, oublié même dans le dénombrement des villages de Juda au temps de Josué, tout comme le dit la prophétie de Michée : Et toi, Bethléhem Éphrata, toi qui es petite parmi les milliers de Juda, de toi sortira pour moi Celui qui dominera sur Israël et dont l’origine remonte au lointain passé, aux jours d’éternité. (Michée 5.1). Quand les mages ont cherché le roi des Juifs quelques mois plus tard, ils ne pensaient pas le trouver à Bethléhem, mais ils sont allés d’abord à Jérusalem, dans la cour du roi Hérode.

Et il est clair que Jésus, né dans la pauvreté et la précarité, a vécu tel qu’il est né, d’abord à Nazareth, puis pendant son ministère sur la terre. A ceux qui voulaient le suivre, il disait : Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. (Luc 9.58). Il avait un coeur pour les pauvres et les méprisés de ce monde, il était ému de compassion pour les foules, il passait du temps avec eux, pardonnait leurs péchés en leur disant de ne plus pécher, donnait une nouvelle espérance aux déshérités de la terre.

Tout au début de son ministère public, quand il a lu le passage biblique dans la synagogue de Nazareth, il déclarait que la prophétie d’Ésaïe était accomplie en Lui. Et ces mots ont pris une nouvelle signification : L’Esprit du Seigneur est sur moi, Parce qu’il m’a oint pour guérir ceux qui ont le coeur brisé ; pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ; il m’a envoyé pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés, pour proclamer une année de grâce du Seigneur. (Luc 4.18-21) Et ce message d’espérance aux pauvres est toujours d’actualité aujourd’hui !

– Et pendant toute sa vie sur terre, Jésus a non seulement proclamé ce message, mais il l’a mis en pratique, en ciblant les pauvres : aussi bien les mendiants, les malades, que ceux qui étaient moralement pauvres, ceux qui vivaient aux marges de la société, qui étaient méprisés par les autres. Critiqué lors de la fête donnée par le publicain Lévi, il s’est défendu en disant Je ne suis pas venu appeler ceux qui s’estiment justes, mais ceux qui se savent pécheurs pour qu’ils changent de comportement. (Luc 5.32, BFC), et il a résumé son ministère en disant : Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Luc 19:10). Et l’Église du premier siècle a bien compris cet appel à faire honneur aux pauvres et aux méprisés de ce monde (cf. 1 Co 1.26-31, cité par Étienne la semaine dernière ; Jacques 2. 1-10 ; 1 Jean 3. 16-18).

– Et vers la fin de son ministère, dans une de ses paraboles, Jésus s’est identifié avec les pauvres et les malheureux autour de nous d’une façon étonnante dans la parabole des boucs et des chèvres :

Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire avec tous les anges, il siégera sur son trône royal. Tous les peuples de la terre seront assemblés devant lui et il séparera les gens les uns des autres comme le berger sépare les moutons des chèvres ; il placera les moutons à sa droite et les chèvres à sa gauche.

Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis par mon Père, et recevez le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez accueilli chez vous ; j’étais nu et vous m’avez habillé ; j’étais malade et vous avez pris soin de moi ; j’étais en prison et vous êtes venus me voir.

Ceux qui ont fait la volonté de Dieu lui répondront alors : Seigneur, quand t’avons–nous vu affamé et t’avons–nous donné à manger, ou assoiffé et t’avons–nous donné à boire ? Quand t’avons–nous vu étranger et t’avons–nous accueilli chez nous, ou nu et t’avons–nous habillé ? Quand t’avons–nous vu malade ou en prison et sommes–nous allés te voir ? Le roi leur répondra : Je vous le déclare, c’est la vérité : toutes les fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Matt 25.31-40 (et nous n’avons lu que la moitié de la parabole – vous connaissez le reste qui est moins positif !)

3 : Les pauvres dans l’histoire de l’ Église :

Même si l’Église a trop souvent été en-dessous de ce qu’elle auraient dû être, et s’est même parfois rangée du côté des oppresseurs, des chrétiens de tous les temps ont oeuvré et lutté pour annoncer la parole d’espérance aux pauvres, et ont bien compris que l’action sociale et même politique allait de pair avec l’annonce de l’évangile.

– Ils ont fondé les premiers hôpitaux, ce qui explique le nom « Hôtel-Dieu » donné à certaines de nos fondations aujourd’hui ; et malgré le luxe de certaines institutions ecclésiastiques, dans des périodes où la majorité de la population vivait dans une grande pauvreté, c’était les moines et les moniales les seuls instruments de la compassion du Seigneur.

Les réformateurs ont voulu remettre la diaconie à sa place, au centre de la proclamation de la Parole, en fondant hôpitaux, écoles, et en fixant le prix du pain, comme faisait Calvin à Genève.

En Angleterre, les chrétiens évangéliques le pasteur Wesley, le député Wilberforce, et le missionnaire Knibb, ont lutté contre l’esclavage et ont influencé Victor Schoelcher en France.

– En Inde, William Carey, il y a 2 siècles, a non seulement annoncé l’évangile, mais a lutté pour les droits des travailleurs et pour la conservation de la forêt tropicale

– En Suisse, le fondateur de la Croix-Rouge, Henri Dunant, était animé par sa foi évangélique

– En France, nous avons entre autres nos Jean-Frédéric Oberlin, Félix Neff, les oeuvres mennonites, l’ABEJ dans nos Églises baptistes, qui veulent montrer la compassion du Christ pour les nécessiteux sans négliger l’annonce de la Parole.

Que retenir pour nous de ce message ?

D’abord, il y a peut-être ceux parmi nous aujourd’hui qui ont du mal à croire que Dieu les aime, qu’il a un plan pour leur vie. Mais le message de Noël, de la venue de Jésus parmi nous, est précisément cela : Dieu nous a aimés assez pour donner Son Fils, qui a connu notre misère et qui est mort pour nous donner la vie nouvelle. Paul l’exprime ainsi : Car vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ qui pour vous s’est fait pauvre de riche qu’il était, afin que par sa pauvreté vous soyez enrichis. Ne passez pas à côté de ce grand don, cette espérance pour les pauvres en esprit, ceux qui oublient leur orgueil pour accepter le don gratuit de Dieu. !

En deuxième lieu, souvent malgré les apparences, mais aussi sûrement que pour Joseph et Marie, Dieu est à l’oeuvre dans ce monde, y compris dans les circonstances que nous trouvons parfois difficiles à supporter. Faisons-lui confiance même quand nos circonstances sont difficiles, car c’est Lui qui est souverain, c’est Lui qui aura le dernier mot.

Finalement, pour ceux d’entre nous qui avons reçu ce don gratuit de Dieu, Dieu en Jésus nous appelle, par nos actes et par nos paroles, à communiquer aux autres cette espérance qu’il donne aux pauvres : et cela comprend en même temps les « pauvres en esprit », ceux qui sont abattus, perdus, sans espérance malgré leur richesse matérielle, aussi bien que ceux qui sont pauvres matériellement. Tout en étant sans péché, Jésus s’est identifié avec ces deux groupes de personnes.

C’est à chacun d’entre nous, individuellement et en tant qu’Église, de savoir comment il nous appelle à exprimer ce souci des pauvres autour de nous. Oui, nous soutenons une Mission qui oeuvre au Nord-Cameroun, nous parrainons une petite fille aux Philippines, l’année dernière nous avons répondu à des appels d’urgence au Cameroun et au Tchad, d’autres parmi nous soutiennent sans doute d’autres personnes dans le besoin. Mais est-ce que nous faisons tout ce que nous devrions faire ? Y a-t-il des besoins, peut-être très proches de nous en France, ou à Massy, que le Seigneur veut mettre sur notre coeur ? Connaissez-vous le Défi Michée, cette campagne politique mais très biblique, où nous sommes appelés à notre tour à faire entendre le message prophétique de la Bible pour influencer les grands de ce monde en faveur des plus pauvres ?

Qu’il nous dirige, et qu’il fasse de nous aussi des messagers de son espérance pour les pauvres !

J.A.Thompson, Vie et coutumes aux pays bibliques, p 51

Alan Millard Des Pierres qui parlent, p 210-211

Jean 1.46

Lév. 12.8

Jacques Blandenier, in Pauvreté, Justice et Compassion : une foi pertinente pour notre monde Valence, 2009, LLB/Défi Michée

2 Cor 8.9